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    J’ai aussi perdu la personne que j’aimais


    Les grondements de l’orage engloutissaient la ville entière, noyant jusqu’au dernier son, y compris celui du petit taxi brinquebalant. Enveloppé par une pluie torrentielle, Liu An’an avait les oreilles pleines de la voix de la femme. Une voix étrange, tour à tour légère et pesante, qui résonnait comme une suite de soupirs absurdes.

    « … C’est fini, tout est fini pour moi. J’étais trop jeune à l’époque… Et je me suis retrouvée en prison, toute penaude… Quand j’en suis sortie, hah, je n’avais plus de maison, plus de parents, plus d’argent. Seulement ces souvenirs, dans ma tête, qui me hurlaient : regarde, salope, putain d’enfer, regarde. Regarde, c’est ta ville natale… »

    Elle éclata d’un rire amer, couvert par le martèlement de la pluie contre les vitres.

    « Mais cet endroit a changé. Tout a disparu, mes souvenirs, ma vie. Je n’ai plus rien… Rien, sauf un casier judiciaire. Tu sais ce que c’est ? Ce n’est pas juste un bout de papier, c’est une marque qu’on te colle dessus. On ne te traite plus comme un humain, on te regarde comme un déchet, un chien errant. Et tout ça, juste parce que j’ai… dérapé, une fois… Une seule fois… »

    Sa voix, tantôt sarcastique, tantôt tremblante, s’effaçait parfois sous les grondements du ciel. Et pourtant, chaque mot résonnait dans la poitrine de Liu An’an. Il ne restait que le bruit sourd et régulier de son propre cœur, battant à tout rompre. Un battement, puis un autre, nerveux, frénétiques. Sa colonne vertébrale appuyée contre la portière, elle fixait la femme avec un mélange de méfiance et de peur. Mais lentement, presque mécaniquement, sa main glissait le long de sa jambe, tâtonnant jusqu’à atteindre quelque chose – un objet tombé au sol lorsque la femme avait pris un virage serré. Le permis de conduire.

    La voiture est sombre, se disait Liu An’an. Elle ne verra rien. Mais malgré elle, ses mains tremblaient légèrement.

    Alors qu’elle effleurait à peine le permis, la voix de la femme retentit soudain.

    « … Il nous reste encore une demi-heure avant d’arriver, non ? »

    Le cœur de Liu An’an rata un battement. Puis, presque moqueuse, la femme ajouta :

    « … Tu l’as ramassé, alors pourquoi tu n’y jeterais pas un coup d’œil ? »

    Une sueur froide coula dans le dos de Liu An’an. Elle déglutit, pétrifiée. Mais la femme, apparemment indifférente, continuait de fixer la route. Tremblante, Liu An’an déplia son permis avec des gestes maladroits. Elle lut le nom inscrit dessus : Li Xiaojuan. Une photo accompagnait le document.

    Mais ce n’était pas la photo de cette femme.

    Ce n’était pas le permis de cette femme.

    Cette femme n’était pas la conductrice du taxi.

    Un frisson glacial parcourut le corps de Liu An’an. La femme, sans se tourner, laissa échapper un ricanement étrange, presque amusé.

    « Sérieusement ? Tu pensais qu’un endroit comme celui-ci embaucherait une femme avec un casier judiciaire comme le mien ? » Elle secoua la tête, exhalant un rire sec. « Li Xiaojuan me donne un coin où dormir et un peu de nourriture. En échange, je lui faisà manger et le ménage. Parfois, je vais chercher son fils à l’école. Et les soirs comme celui-ci, les nuits où il pleut à torrents, je prends son taxi. C’est tout ce que je peux faire pour… Survivre. »

    Elle marqua une pause. La route semblait s’étirer à l’infini, chaque goutte de pluie résonnant comme un avertissement.

    Puis, d’un ton soudainement plus bas, presque intime, elle murmura :

    « Mais ce soir, Liu An’an… Le destin a voulu que je te rencontre. »

    Qu’est-ce que c’est que ce putain de destin ? maugréa Liu An’an intérieurement.

    À mesure qu’ils approchaient de leur destination, Liu An’an sentait ses nerfs à vif. La pluie battait de plus en plus fort contre les vitres, créant un écho sourd qui semblait amplifier le malaise. La femme, elle, semblait de plus en plus énergique, comme si l’orage alimentait son humeur étrange. Elle entama une conversation, un sourire désarmant sur les lèvres :

    « Quels études as-tu fais ? » demanda-t-elle brusquement.

    « Gestion de l’information, » répondit Liu An’an, la voix tendue.

    « Pas la médecine ? »

    « Pourquoi devrais-je étudier la médecine ? » tenta-t-elle, cherchant à masquer sa nervosité. Puis, dans un murmure suppliant, elle ajouta : « Jiejie, je vous en prie… Roulez moins vite. Il pleut tellement… »

    La femme ignora complètement sa supplique. Au lieu de cela, elle lança avec un sourire curieux :
    « Tu es en couple ? »

    « Non. Je n’en ai pas le temps, » répondit-elle sèchement.

    « Ce n’est pas mal de ne pas avoir de relation, c’est bien aussi. » La femme éclata de rire, un éclat sonore et troublant qui résonna dans l’habitacle. Puis, sans transition, elle ajouta d’une voix légère :
    « Il se trouve que j’ai une question pour toi. Un conseil à demander à une grande sportive comme toi. »

    Liu An’an sentit son estomac se nouer. Avant qu’elle ne puisse répondre, la femme reprit, son ton légèrement moqueur, presque enjoué :
    « Dis-moi, si quelqu’un trahissait tes sentiments, qu’est-ce que tu ferais à ma place ? »

    Liu An’an chercha ses mots, sa gorge sèche. Elle ouvrit la bouche, mais ce fut une réponse maladroite et précipitée qui s’en échappa :
    « Les hommes sont toujours… »

    La femme éclata d’un rire strident, un son qui sembla transpercer l’habitacle de la voiture.
    « Une femme, » corrigea-t-elle sur un ton acide. « C’est une femme qui m’a trahie. Elle a joué avec mes sentiments. Ça ne te dérange pas, hein ? Tu ne fais pas partie de ces gens qui jugent, j’espère ? »

    Liu An’an secoua la tête frénétiquement, s’empressant de nier.
    « Non, non, bien sûr que non ! » dit-elle, sa voix vacillante. Mais un mauvais pressentiment s’insinua en elle, aussi glacial que l’humidité de la nuit. Incertaine, elle risqua une question :
    « Cette personne… elle aurait mon âge, par hasard ? »

    La femme éclata d’un ricanement sec, empli de mépris.
    « Non. Plus jeune que toi. Encore plus jeune. Petite, mais terriblement rusée. Elle m’a utilisé comme une poupée en chiffons. »

    Un silence lourd s’installa, étirant les secondes en une éternité. Liu An’an savait qu’elle devait dire quelque chose, et vite. Inspirant profondément, elle força un sourire et mobilisa toute sa sincérité dans une tentative désespérée d’apaiser la femme : « Cette personne vous a fait du mal. Elle est en tort, sans aucun doute. Une personne pareille n’est pas humaine. Jie*, ne laissez pas votre colère prendre le dessus. Si vous voulez vous venger, je vous aiderai. Mais si vous agissez impulsivement, elle n’en sera que plus satisfaite. »

    La voiture continua de rouler à vive allure sous la pluie battante, la femme silencieuse. Puis, finalement, elle parla, son ton plus calme, mais toujours empreint d’une froideur tranchante :
    « Tu ne sais même pas ce qui s’est passé, mais tu es déjà de mon côté ? Comment peux-tu être si sûre qu’elle a tort ? »

    Liu An’an força un sourire, malgré la peur qui lui nouait l’estomac, et répondit doucement :
    « Je le sais. Je le sens. Jie, je crois en vous. Vous n’êtes pas une mauvaise personne. »

    La femme éclata d’un rire glacial, un son qui envoya un frisson courir le long de la colonne vertébrale de Liu An’an.
    « Liu An’an, une personne normale, dans ta situation, serait tétanisée de peur. Mais toi, tu continues à réfléchir, à chercher une porte de sortie. Ton esprit est vraiment impressionnant. »

    « J’ai vécu pas mal de choses ces dernières années, » répondit Liu An’an, tentant de masquer sa nervosité. « Je ne suis plus une enfant. »

    « Ne sois pas modeste, » rétorqua la femme, ses mots coupants comme des lames. « Tu étais déjà intelligente quand tu étais jeune. »

    Liu An’an ne trouva rien à répondre. Elle sentit l’air autour d’elle devenir plus dense, presque suffocant, alors que la femme poursuivait d’un ton fluide, comme si elle parlait d’une chose banale :
    « Au fait, tout à l’heure, tu avais l’air particulièrement nerveuse quand j’ai mentionné l’Affaire de La Scie. »

    La gorge de Liu An’an se serra. Les mots de la femme, prononcés d’une voix calme mais sinistre, semblèrent s’immiscer directement dans son esprit, creusant un sillon glacial dans ses pensées.

    L’Affaire de La Scie… Officiellement connue sous le nom de l’affaire du meurtre de l’usine de composants métalliques du 28 mai. Mais dans le langage courant, on l’appelait « l’affaire du matricide ». L’histoire était simple, mais sa cruauté avait marqué les esprits, laissant une cicatrice indélébile dans la mémoire collective.

    Cette année-là, le 28 mai selon le calendrier solaire, la victime était une ouvrière travaillant dans une usine de composants métalliques, plus précisément dans la section des pipelines*. Ce jour-là, un lot de scies à métaux venait d’arriver à l’usine. La victime, assignée à l’équipe de l’après-midi, avait consommé une quantité excessive d’alcool pendant le déjeuner, ce qui la rendait légèrement intoxiquée.

    À 12 h 40, ses deux enfants lui avaient rendu visite sur son lieu de travail. L’aînée, âgée de 23 ans, avait eu une vive altercation avec sa mère, qui, sous l’effet de l’alcool, était particulièrement irritable. La dispute prit une tournure tragique lorsque, dans un accès de colère, la fille saisit une scie à métaux à portée de main et trancha la gorge de sa propre mère.

    Après le meurtre, elle tenta de dissimuler son acte en utilisant les machines de l’usine pour se débarrasser du corps. Cependant, ne connaissant pas leur fonctionnement, elle enclencha maladroitement une machine-outil. L’un des bras de la victime fut happé, entraînant son corps entier et le coinçant dans le mécanisme. Face à cette scène macabre, la jeune femme perdit ses moyens. Dévastée, elle fit une dépression nerveuse et finit par se rendre aux autorités.

    C’est ce qu’il y avait dans les reports de l’affaire à l’époque.

    Une faible odeur de sang semblait avoir été ravivée en même temps que la vieille histoire. Personne ne parla plus dans la voiture pendant un moment. Liu An’an non plus.

    L’Affaire de La Scie, pensa-t-elle. L’Affaire de La Scie.

    La femme dit soudainement : « Pour quelqu’un d’aussi brillant que toi, les problèmes relationnels ne sont sûrement qu’un détail. Mais à l’époque, j’étais complètement perdue. Mon esprit était envahi par les souvenirs du passé et mes soucis de couple. Je n’avais rien d’autre à quoi me raccrocher, ni vie, ni avenir… Liu An’an, toi qui as un avenir prometteur devant toi, comment pourrais-tu réellement m’aider ? »

    Sa chance était là ! Liu An’an s’agita intérieurement. Tant que cette femme avait l’intention d’accepter de l’aide, il lui restait une chance de sortir de cette impasse… Elle aurait une chance de vivre ! Après avoir réprimé les nombreuses émotions qui la traversaient, Liu An’an dit calmement :
    « Je comprends parfaitement votre douleur… Parce que j’ai également perdu la personne que j’aimais… »

    La foudre semblait avoir frappé à l’extérieur. Le ciel entier devint blanc pendant un instant. Cette grande dame mince tenait fermement le volant, mais son visage restait sans émotion. Ce visage fin, qui semblait avoir 40 ans, paraissait porter toute la douleur du monde, montrant une malveillance qui glaçait les os.

    « … Vraiment ? » demanda la femme. « Racontez-moi les détails. La surdoué, raconte-moi. Raconte-moi en détail, Liu An’an. »

    Liu An’an aspira une grande bouffée d’air.

    « L’Affaire de la Scie », murmura-t-elle. « Sa nature est trop désagréable. Ce n’est pas comme l’affaire de mon père. Dans ce petit endroit où tout le monde se connaît, les informations sur les parties impliquées dans l’Affaire de la Scie sont très bien protégées. Ainsi, vous ne le savez peut-être pas tous : la victime de l’affaire est ma mère adoptive, et la meurtrière condamnée est ma sœur aînée de nom. »

    La femme fait un « oh ». « Vous avez donc connu la douleur de la perte d’une mère ? »

    Liu An’an dit : « Non, ce n’est pas ça… Ma mère adoptive m’a seulement reccueillie pour la pension alimentaire. Pendant longtemps, à part cette vieille maison, elle ne m’a jamais rien donné. La personne que j’aimais et que j’ai dit avoir perdue, c’est ma sœur aînée. »

    La femme dit : « Laisse-moi deviner. Votre grande sœur est comme votre mère ? »

    Ce n’est pas ça. Liu An’an répondit intérieurement. La pluie battante à l’extérieur de la voiture ne faiblissait pas. Dans la nuit lourde et sombre, la pluie se transforma en un brouillard dense. Toute l’histoire, les morceaux brisés de chaque souvenir – ces poussières du passé devenaient indistincts dans le brouillard, incapables d’être retrouvés.

    Liu An’an dit : « Ma sœur avait cinq ans de plus que moi. Son nom de famille était Lin. Le nom de famille de ma mère adoptive était aussi Lin.

    « Cela fait dix ans… J’ai même presque oublié à quoi elle ressemblait. Mais il y a une chose dont je suis certain : c’était la personne la plus douce, la plus jolie et la plus intelligente au monde, et celle qui m’a toujours traité avec le plus de gentillesse. Si elle n’avait pas été sujette à des crises de schizophrénie, je suis sûr qu’elle aurait été la première à s’échapper de cet endroit. Elle était si brillante, si belle.

    Ma mère adoptive, en revanche, me frappait souvent. Depuis que je suis enfant, je n’ai presque jamais eu un repas chaud, ni une bonne nuit de sommeil. Mais ma sœur, elle, était toujours là pour moi. Elle me prenait dans ses bras, soignait mes blessures, emballait mes livres pour l’école.

    À cause de sa maladie, ma mère adoptive vivait sous une énorme pression. Elle a commencé à boire excessivement et, ensuite, à battre ma sœur. Malgré tout, cette dernière continuait de me protéger. Elle était d’une douceur incroyable. Bien qu’elle fût physiquement forte, elle n’a jamais, pas une seule fois, défié ma mère adoptive, sauf quand elle avait ses crises.

    Quant à ce qu’on appelle ‘l’Affaire de la Scie’… Elle l’a fait pour me protéger. Ce jour-là, ma mère adoptive avait trop bu. Quand ma sœur et moi sommes allées à l’usine pour la voir, ma sœur a eu une crise et s’est mise à crier. Ma mère, furieuse, s’est d’abord tournée contre elle, puis contre moi. Elle m’a attrapée par les cheveux et a essayé de me pousser vers les machines. Elle voulait me tuer !

    Et à ce moment-là, même en plein délire, ma sœur a essayé de me protéger. Elle a tout fait pour me sauver… Mais j’ai fini par la perdre.

    Je n’oublierai jamais ses yeux si beaux. Dix ans après avoir quitté cette maison, je n’ai jamais osé y retourner. Je n’ai jamais cherché à savoir où elle a été enterrée. J’ai tenté de l’oublier, mais je n’y suis jamais arrivé. Chaque fois que je ferme les yeux, je l’entends encore m’appeler Xiao Liu… Alors doucement, avec cette voix douce et protectrice. »

    La femme resta silencieuse. Après un long moment, elle soupira avant de répondre :
    « Je ne m’attendais pas à ce que tu aies traversé tout ça… »

    Liu An’an esquissa un sourire amer et déclara :
    « Mais je continue à avancer, malgré tout. Maintenant, croyez-vous que je puisse comprendre votre douleur ? Laissez-moi vous aider. Jie, vous avez encore une longue vie devant vous. »

    La femme ne répondit pas. Mais Liu An’an sentit une lueur d’espoir. Elle savait que quelque chose venait de changer. La femme avait été émue.

    Et bientôt, cette voix froide prononça enfin :
    « D’accord, je te ramènerai plus tard. »

    Liu An’an resta figée, stupéfaite :
    « … Vous voulez dire… ? »

    La femme répondit, d’un ton neutre :
    « Oui, c’est exactement ce que ça veut dire. »

    Très bien

    Génial !

    Parfaitparfaitparfait ! ! ! ! Elle est sauvée ! ! !

    Liu An’an n’osa pas crier, mais son corps se détendit brusquement. Ce n’est que maintenant qu’elle réalisa que son dos était tout en sueur. C’était génial… Son esprit entier était rempli de pensées chaotiques. C’était génial. Elle trouva ses mots en tremblant. « Merci ! Je ferai certainement tout ce que je peux pour vous aider, vraiment ! Merci, merci, Li-jie ! »

    La femme sourit. « Tu m’appeles toujours Li-jie ? »

    Liu An’an tira la langue et sourit à son tour, « Oh ! J’oubliais. Jie, quel est votre nom de famille ? »

    La femme tourna la tête, faisant face à la jeune passagère, et dit en souriant :

    « Mon nom de famille est Lin. »


    Si quelqu’un est curieux de savoir ce qu’est la scie à flic, n’hésitez pas à faire vos rechercher.

    Yi Shan Gou Yue

    ・.ʚ Voilà la fin du chapitre ɞ .・

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